[Chercheur] Chercheur

Belles Dames, Nobles Sires,

Je sais que ma présence en ces lieux s'est faite moins discrète depuis quelques temps, et je vous suis gré de l'avoir tolérée jusqu'à présent.

S'il m'arrive de rôder parmi vous, c'est parce qu'un ami m'a demandé de veiller sur certains, parce qu'en ces lieux il y a l'écho d'une personne qui m'était très chère, et parce que le hasard a fait que je rencontre un clan dont certaines préoccupations rejoignent les miennes.
Et je ne crois pas aux coïncidences.

Et si je parais si hésitant, c'est que je ne veux rompre un équilibre qui n'est pas le mien.
Je ne suis engagé dans aucun clan, parce que je ne me sens pas prêt et parce que ce que je peux offrir à ce monde et aux miens, je peux le faire à ma façon, sans engager la responsabilité des autres.
Cela ne signifie pas pour autant que je ne me sens pas engagé envers certains, y compris certains clans, dont le votre.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre accueil, ou tout au moins de votre tolérance, et si par hasard il vous arrivait d'avoir besoin de mon aide, ce sera avec joie que j'y dans la mesure de mes moyens.

--------------------------------------------------------------------------------

Belles Dames, Nobles Sires

Je me permets ici de recopier quelques notes que j'avais écrites alors que j'appartenais encore à un clan.
Le style n'est pas très bon, je m'en excuse, mais je n'ai jamais été un poète. J'espère que la lecture ne sera pas trop ennuyante.
Certaines choses paraîtront évidentes à ceux de mon peuple, mais j'avais écrit cela pour des gens qui étaient étrangers.

***

Je viens d'un clan d'elfes de la nuit ... conservateur ... très conservateur.

Lorsque les elfes de la nuit tournèrent le dos à la magie pour se rapprocher de la nature, il y eu plusieurs courants au sein de mon peuple. Certains refusèrent d'abandonner la magie, et une minorité préconisa un retour radical vers la nature.
Le Clan des Fougères d'Argent est l'un de ces derniers.

Pour mon clan, et les clans similaires au mien, les elfes de Darnassius sont presque aussi éloignés d'eux-mêmes que les elfes de sang. Disons que les miens trouvent ceux de Darnassius trop ... humains.

Quel est mon âge ?

Difficile de répondre ... Il est probable que si j'étais allé à la découverte du vaste monde plus tôt, j'aurais rencontré avec plaisir les arrières grands-parents de mes compagnons humains, nains ou gnômes, mais je ne peux répondre en termes d'années.
Nous vivons au jour le jour ... Parfois c'est l'été, parfois c'est l'hiver, mais semaines, mois ou années n'ont guère de sens lorsque vous vivez chaque instant pour ce qu'il est. La seule chose qui existe vraiment, c'est le présent.
Oui, nous nous rappelons du temps d'avant, mais nous le vivons comme un sentiment vécu à l'instant présent. Nous ne chérissons pas le souvenir, nous vivons le moment où nous nous souvenons.
Mon âge est celui de ce que j'ai vécu, ni plus, ni moins.
Probablement un peu plus de 200 ans.

D'où est-ce que je viens ?

De la Forêt.
Il y a la Forêt, il y a au-delà de la Forêt.
Le Clan vit dans celle-ci, l'au-delà lui importe peu.
Et ce qui lui importe encore moins, c'est le nom qu'on peut donner à cette forêt.
Elle est la Forêt. Tout autre nom est ... inadapté.

Quel est mon problème avec les noms ?

Les miens sont de nature méfiante et cette méfiance s'étend aux noms.
Les miens pensent que les noms cachent la vérité. Un loup n'a pas de nom, un arbre n'a pas de nom, une rivière n'a pas de nom : ils sont et nous le savons. Un nom n'a de raison d'être que s'il reflète la nature de ce qui est nommé.
Mon Nom n'est pas juste un moyen pour m'identifier, il est la synthèse de ce que je suis.
Je sais que peux surprendre, voire agacer avec ma façon d'utiliser certains mots, mais il faut comprendre que j'essaie d'assimiler des noms qui n'ont guère de sens pour moi, car ne correspondant pas à ma perception de la nature des choses.
Et cela s'étend aux lieux comme aux gens.

Alors, à défaut de bien comprendre la signification des noms, j'utilise les termes que j'ai appris ici et là au contact de gens d'autres peuples, et bien sûr, j'essaie de trouver des Noms.
Donner un Nom est un acte difficile, et j'avoue qu'au sein de mon peuple, je n'ai pas une réputation de grand donneur de Noms ... probablement par manque de qualités poétiques.

Pourquoi cette façon détachée de parler mon peuple ?

Dès mon plus jeune âge, j'ai été un enfant curieux de tout et de rien, posant sans cesse des questions à tort et à travers, au point de faire l'effet parmi mon peuple d'un groupe de gnômes ayant abusé d'excitants. Les miens sont patients et gentils ... c'est juste que ... je n'étais par la bonne personne au bon endroit.

Heureusement pour moi, il y a eu l'Ermite. Un étrange personnage vivant dans la Forêt, un elfe silencieux d'un très grand âge qui ne semble avoir pour seul compagnon qu'un corbeau doué pour les réponses ... bizarres.
Lors de l'une de ses rares visites au clan, je n'ai pu m'empêcher d'aller lui poser des questions ... de nombreuses questions. Corbeau fut ravi de laisser libre cours à son talent pendant qu'Ermite m'observait. Ce dernier s'en alla voir mes parents, et depuis ce jour, après avoir accompli mes tâches d'enfant, je pus librement aller voir Ermite quand je le désirais.

Je ne me rappelle pas l'avoir entendu prononcer plus de trois mots, car durant il a toujours laissé Corbeau répondre à toutes mes questions.
Il m'a fallu du temps pour comprendre que tout ce qu'il m'a fait faire, tout ce qu'il m'a appris au travers de ses étranges leçons se rapportait à l'art difficile de savoir poser la bonne question, art que je ne maîtrise toujours pas correctement.
Toujours est-il qu'il m'a appris la curiosité, ou plutôt à canaliser celle-ci.

Je pense qu'un humain dirait de lui que c'est un philosophe.
Un philosophe cynique et amer.

À force de suivre ses leçons, j'ai petit-à-petit acquis une vision des choses différentes de celle de mon peuple, ou plutôt, j'ai appris à pouvoir avoir plusieurs visions de la même chose.
J'aime mon peuple ... Mais ce que je suis n'est pas le reflet de celui-ci, et dès que j'eus atteint l'âge de choisir mon Nom, je suis parti.
Au travers de ce que j'ai vécu, j'ai changé, et il est peu probable que je retourne un jour parmi les miens. À leurs yeux, je suis désormais un étranger.

--------------------------------------------------------------------------------

De mon enfance

De mon enfance ... heureuse.
Je sais que cela est rare de nos jours, mais j'ai eu une enfance heureuse.
Oh, comme la plupart des elfes je suis un enfant unique, mais pas solitaire. Pour les miens, la famille c'est le clan, tout le clan, et chaque membre du clan a un rôle à jouer face à tous, et surtout face aux enfants.
Les miens pensent que ce qui est primordial, c'est que chacun développe les talents dont il doté, et ils prennent cette responsabilité très au sérieux.
Certes, je n'ai cessé de les harceler de ma curiosité, mais jamais ils n'ont essayé de refréner celle-ci, et lorsque l'Ermite se proposa de parfaire mon éducation, tout le monde fut enchanté par cela.

De mon enfance, j'ai appris l'amour de la nature, le respect du brin d'herbe comme de l'arbre millénaire, j'ai appris les innombrables mondes qui se cache dans notre propre monde.
J'ai appris la magie de la Forêt, l'art de vivre chaque instant pour ce qu'il est, et cela d'autant plus facilement qu'à chaque instant, la vie s'épanouissait autour de moi.
Mes premiers compagnons furent des animaux, mes premiers émois de printemps furent des dryades rieuses, j'ai appris le respect et la patience en allant honorer les anciens protecteurs qui s'étaient retirés au coeur de la Forêt.

Cette vie était paisible et heureuse, et une part de ce que je fais aujourd'hui, je le fais pour que cette vie puisse continuer quelque part.

Mais cette vie ne satisfait pas entièrement ma curiosité, et je suivis donc les enseignements de l'Ermite et de son fidèle compagnon, Corbeau. Et il advint ce qui devait advenir ...
Aussi riche et variée que fut la Forêt, elle ne suffisait pas à ma curiosité.
Et d'enseignement en enseignement, mon esprit s'éloignait de la vie tranquille des miens pour s'en aller au-delà, dans des contrées encore inconnues.

J'appris qu'il existait des arts nouveaux tel que la Géographie, l'Histoire, la Philosophie.
J'appris qu'au dehors de la Forêt il y avait un monde, très différent, moins paisible.
J'appris qu'il était possible d'imaginer plutôt que de contempler ce qui est, et que parfois, l'imagination pouvait prendre corps.
J'appris la grandeur de mon peuple, au-delà des miens, ses erreurs tragiques et le prix qu'il nous faut payer encore.
J'appris l'existence de l'un des plus magiques des objets : le livre.

Une nuit, il advint que je me sentis prêt à choisir mon Nom.
Devant tout le clan réunit pour ce moment important dans la vie de chacun, je le choisis : Chercheur.
Les miens trouvèrent que ce nom était juste, mais ils comprirent aussi que j'avais décidé de partir.