[Tegarov] Redevenir moi

[Tegarov]

Le lac de Lordamere, son eau, trouble. Ses bêtes, démoniaques et contaminées. Mais qu'est ce que je fais là hein? Le feu brûle en moi, encore et encore. Ces souvenirs sont tout ce que j'ai pour vivre. Vivre? Comment peut on parler de vivre lorsque son corps n'est qu'os et chair décomposée? Et surtout, surtout, quand son âme est dépossédée!!!

Ces chiens de prêtre me l'ont arrachée! Je ne me rappelle plus quand, ni où ni comment ni vraiment pourquoi. J'en ai seulement la certitude. Comme le fait que je suis mort par le feu. Enfin non, ce n'est pas vrai. Je sais en partie pourquoi. En partie...c'est peut être là mon plus gros problème. Je m'appelle Tegarov. Dans cette vie. Oui dans cette vie car ce n'est pas la première que j'ai. Ca aussi c'est une certitude, même si je suis incapable de me souvenir de toutes celles vécues. Comment en suis je arrivé là? Té, je me le demande bien. Peut être ais je oublié tant cela fait longtemps que je parcours ce monde. Renaissant encore et encore. Je n'ai jamais été elfe, cela n'a rien à voir avec leur patrimoine. Un capactié magique alors? Un rituel peut être? Raaa si seulement je savais! Je saurais peut être alors pourquoi j'ai été chassé tel un démon, et pourquoi mon âme m'a été arrachée. Je saurais peut être alors où la chercher.

Que...quelle est cette sensation? Ce...ce n'est pas la première fois que je la sens. Mon coeur se sert à chaque fois. Je..serait ce mon âme qui m'appelle? Pourrais je, en me concentrant, remonter à la source de ce son qui n'en est pas un?
Je me lève, ma robe couleur feu crissant, quelques vers tombant de mon corps. Au loin des humains, elfes et draeneis passent. Ils se dirigent vers le monastère. Je ne suis pas le seul à les haïr dirait on. Mais pour le moment je n'ai pas assez recouvré mes forces. Il me faut encore développer cette nouveauté chez moi, la magie. Et j'ai assez de matériel d'expérience ici...hein le lycan? Vient par là que je t'arrache la peau et les muscles des os!

___________________________________________
[Armenn]

Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai parlé de ce qui est au plus profond de moi à Lïxia, et Kelana en a entendu une bonne partie. Mais qu'ais je fait? Ne devait ce pas rester un secret? J'en ai marre de tout cela, de cet esprit en moi, de...cette connaissance à portée de main, de cette peur de chaque personne que je croise. Car oui j'en suis certaine maintenant, la personne à qui appartient cet esprit existe encore, et vit quelque part. Comment est ce possible? Je ne sais pas. Comment cet esprit est arrivé en moi? Je ne sais pas. A qui appartient il? Je ne sais pas. Je ne sais presque rien en fait, sinon qu'il tient à ma vie, il m'a déjà sauvé....mais pas parce qu'il tient à moi non, bien sur que non. Juste parce que sans moi il ne pourra pas retrouver son corps.

Lïxia n'a pas eu l'air de bien tout comprendre, elle n'est pas dans son propre corps ok, et elle en connait qui ont d'autres esprits en eux, il suffit de voir Lysaandre....mais.....ils ne risquent pas de perdre leur vie pour cela, de se voir arrachés par quelqu'un d'autre qui veut récupérer ce qui lui appartient, et qui se trouve en vous. Je crois que personne ne peut comprendre, et ce doit être pour cela que je n'en avais jamais parlé, plus que pour tout autre chose.

Que sais je de cet esprit? Qu'il est fort, très fort, et qu'il a vécu énormément de choses, qu'il a un savoir immense, dépassant parfois tout ce dont j'ai pu entendre. Il en est arrivé à me faire faire des rituels inconnus! Mélangeant autant ombre que lumière, mort et vie. Mais d'où détient il tout ce savoir? Qui était il? Prêtre? Je n'ai jamais ouïe dire qu'un prêtre en sache autant sur l'ombre ou sur la démonologie ou encore les rites de sang. Pourtant...c'est ce qui s'en rapporte le plus dirais je. Mais pourquoi? Je ne saurais le dire. Et en même temps j'ai l'impression qu'il a été barbare, né pour faire couler le sang et le boire. Qui était il donc? Aurait il eu plusieurs vies? Cela paraît impossible. Etait il immortel comme les elfes? Je me demande....

Il me faut des réponses, mais j'ai peur de les trouver. Peur de là où cela va m'amener.

La nuit était calme, fraîche et franchement plaisante. Surtout pour un marin qui venait de mettre pied à terre après une mission de plusieurs mois en mer. Et qu'on soit pirate ou matelot de l'alliance cela ne changeait rien. On sortait, on buvait, on ruait les femmes de joies et on tapait sur le premier venu. Et ce soir là était un de ces soirs, où le whisky coule plus que l'eau du torrent, où le malt remplace le sang. Marins et putains se dévidaient la gorge, chacun à sa sauce, sans se préoccuper du voisin...sauf peut être pour véfifier qu'il ne se trompait pas de cul à tapiner. Sait on jamais avec l'alcool on peut s'embuer.

La crique où le bateau pirate mouillait, un fier gallion noir du bois aux cordes, en passant par les voilures, était un petit paradis. La flaure était disparate et colorée, animée par une haute cascade tombant en plein milieu des falaises la cernant; et la faune n'était pas en reste. Volatiles de tous genres donnaient leur plein, cherchant à se surpasser les uns les autres, formant une mélodie quelque peu cacophonique mais fort harmonieuse étrangement. En bas de la chute l'eau était retenu par de larges pierres, formant ainsi des baignoires naturelles. Quelques excavations dans la roche étaient devenues des cavernes habitées, et très bien aménagées. Cette zone, inconnue de tous ou en tout cas, juste de certains défias, était vraiment magnifique.

Enfin..."était" collait parfaitement à la situation se disait Tegarov tandis qu'il regardait le spectacle de derri-re un palmier, car d'ici quelques minutes il doutait que cela soit encore le cas. Le capitaine n'était toujours pas descendu du bateau, et le mage commençait à douter qu'il mette pied à terre. Tant pis pour lui, ce n'est pas ça qui allait l'arrêter. L'homme aurait juste moins souffert s'il avait évité au mort-vivant quelques mètres de marche. Quoique cela allait aussi lui donner l'occasion d'enlever quelques vies de plus....humm mouais bof après tout ça se valait presque... Mais tout de même, il aurait pu sortir....mm...oh après tout un bateau funéraire on pourrait rêver pire comme linceul pour un capitaine non? Surtout un si grand bâtiment, ça devait bien flamber au petit soir...et être magnifique à regarder en sirotant quelques vers bien gras sur la nuit tombante.

Bon ben quand il faut y aller hein....suffit de sonner la cloche non?

Tegarov se leva dans un craquement d'os, mais avec une telle force que l'on aurait cru que chacun d'eux venait de se briser en plusieurs fragments. Vraiment pour un mort vivant il devrait manger un peu plus de calcium se dit il, cela pourrait finir par être ennuyeux.... Dommage la chair humaine n'était guère connue pour en contenir en quantités acceptables. Et le lait n'était pas vraiment sa boisson préférée. Tant pis il y penserait plus tard, place au feu d'artifice!

Le mage avançait, nonchalemment, les mains dans les poches, le bâton calé sous une aisselle et en prime il sifflotait. La musique couvrait peut être les sifflements normaux, mais quand un truc aéré de toute part ou presque se mettait à cracher des sons inhumains, cela avait tendance à être entendu. Et cela se vérifia.
Arrivé à une dizaine de mètres des baignoires où un nombre indéterminé de corps se mélangeaient, souvent dans des positions extravagantes, une femme se mit à crier. Enfin femme au vu de la perruque, mais la pilosité dorsale laissait à pencher pour une version plus masculine de la putain...Celui qui l'embrassait une seconde avant avait du sacrément boire. Enfin de toute façon...

Tegarov fit un clin d'oeil à la femme, qui l'instant d'après se transformait en torche humaine. La chaleur qu'elle dégageait était si forte que l'eau dans les bassins s'évapora, révélant plusieurs corps dénudés..les plus éloignés. Ceux à moins de cinq mètre étaient déjà trop cuits pour être mangés.

Bon alors...un petit, deux petits...trois petits cochons...
Le mage commença à compter les hommes présents, les pointants du doigt à chaque fois, et dès que le doigt se relevait pour passer au suivant, le corps ciblé explosait de l'intérieur, ses viscères bouillis (un peu trop pour aller avec du jus de citrouille) giclant un peu de partout.

Humm....douze cochons, ben y'a de quoi faire du saucisson dîtes moi, hein z'en pensez quoi mes catins?
Quoi? pardon madame mais je ne vous entends pas, peut être à cause de ce rein qui s'est coincé entre vos seins! Attendez je vais arranger ça...Quoi? Non vous n'y tenez pas? Ah..bon tant pis. Et vous mademoiselle, ou plutôt ma petite fille vu ton âge...tu as faim? Non plus? Raaa mais tout se perd de nos jours...tout, même la beauté féminine. Regardez moi ça. Dans cette cuisse je taille quatre fois la mienne, dans cette paire de seins je planque une outre, et ce ventre là! On dirait qu'il a été fait pour cuisiner le cous cous orc! N'ayez pas peur je vais remédier à ça!

Aussitôt dit aussitôt fait. Avant même qu'une seule d'elle n'ait pu émettre un son, les susdites parties furent découpées, se détachant nettement du corps de leur hôte, comme coupé par une lame rouge.

Douze cochons barbottaient dans du purain,
Aucun ne se réveillèrent au petit matin!
Douze putains léchaient des peaux salées,
Moi en fin cuistot je les fis mijoter!

Tegarov regarda le spectacle un temps et finit par hausser les épaules. On finissait par se lasser de tout, même du pire.

D'un pas dégagé il se retourna et alla en direction du bar improvisé sur la grève. Trop émêchés pour avoir bien compris ce qui venait de se dérouler à cent mètres de là, les plus frais regardaient venir le truc qui glissait sur le sable, les autres plongeaient inlassablement dans les cruchons. Mouais, les pirates étaient pas forcément connus pour offrir un joli spectacle, mais il aurait tout de même aimé un poil de résistance, histoire de donner un peu de saveur à sa soirée. Tegarov était il sous une bonne lune? En tout cas son voeu fut exaucé. Un gnome (qui sûrement avait préféré se faire fouetter que boire dans un godet) venait de le repérer et s'étais mis à beugler à défaut de mieux (essayez donc de sauter avec des fers de cinquant kilos qui referment des chaînes sur votre corps dont vos parties génitales vous...hein? oui bon le gnome sautillait bien mais je suis pas certain que cela fut une bonne idée pour ses perspectives de parternité). Ceci arracha un sourire au mort-vivant qui en perdu un peu de peau sur la joue.

Et merde....ces fichus implants sont pas encore au point....pfff va encore falloir que je me fournisse en pièce détachée.

Cela énerva un peu notre pyromane pour le coup et alors même qu'une pseudo défense tentait de se mettre en place il eut la mauvaise idée, du point de vue des assaillis, de lancer une boule de feu au plein milieu des barriques de rhum entreposées sur la plage...et qui n'avait pas encore été ouvertes ou descendues. Mauvaise pioche peut être, en tout cas cela revigora les voleurs, délesteurs et autres rapporte pièces du coin, qui sortirent épées et tromblons. Plusieurs salves furent tirées, mais aucune balle n'atteignit le mort-vivant. Non pas qu'ils étaient dénués de dextérité, mais il avait levé un mur de feu devant lui et elles avaien explosés avant de l'atteindre. Certains ne se démontèrent pas pour autant et recommencèrent, mais face à leur obstination ils ne soulevèrent qu'un rire, et quelques gestes de la main, qui toujours s'accompagnaient d'un mur de feu...et visiblement le mage qui leur faisait face ne s'essouflait même pas. Finalement les bretteurs prirent leur courage à deux mains, et en réalité si cela devait se mesurer à la longueur de leur lame vous pouvez être certain qu'ils n'en avaient guère, et foncèrent.
La plupart cramèrent sur pied avant d'avoir approché le mage suffisamment pour dire de quelle couleur était ses yeux (en même temps rouge sang sur rouge feu même de près je me demande si quelqu'un serait apte à le discerner). Une dizaine malgré tout fut à portée de bras. Cinq réussirent à embrocher Tegarov, les autres furent projetées par un souffle chaud.

Le mort-vivant se regarda. Il ressemblait à une drôle de poupée vaudou avec ces cinq lames le traversant de part en part en travers de ses côtes. Il leva les bras au ciel et soupira.

Et qui c'est qui va payer la couturière hein? Non mais regardez moi ça, c'est pas vous qui allez faire les retouches, ça se voit!

Les pirates se regardèrent, médusés face à ce clown aux chairs décomposés qui riait de se voir un peu partout aéré de quelques nouveaux trous. Tegarov posa ses mains sur les lames et psalmodia quelques mots. Des serpents de lave montèrent à l'assaut des glaives et s'enroulèrent aux bras de leur propriétaires, montant jusqu'à leur bisage et s'infiltrant par leur bouche, pour ensuite descendre enserrer leur coeur entre leurs anneaux. Tout ceci se déroula lentement, très lentement, et encore plus douloureusement. Les cris semblèrent même flotter quelques secondes encore après la mort des malheureux.

Oups....aye Didi Teug'N avait eu une plus belle mort qu'eux, j'ai été trop pressé, les nerfs certainement, je devrais aller me faire les dents tiens. Doit bien y avoir de la chair fraîche et tendre dans le coin non?
Regardant autour de lui Tegarov s'aperçut que le gnome sautillait toujours non loin, peut être à cause des braises sous ses pieds en fait s'aperçut il. Gentil et soucieux d'aider la mort prochaine il alla rapidement prendre une arme d'hast et après avoir fait explosé les chaînes qui retenaient le gnome il l'empala dessus.

Comme disait maman, faut toujours bien faire rôtir la viande avait de la manger...mouais pour sûr elle avait jamais goûté de steak barbare!

Ni une ni deux il croqua un peu de gnome et se délecta (tout un chacun sait que les testicules de ces petits êtres est un délice, fort recherché de part le monde). Avec sa brochette en main le mage grimpa à bord du navire, étrangement calme. Il attendit sur le pont principal, avisant les couleurs criardes avec lesquelles un artiste aux goûts particuliers avait réalisé les couleurs sous lequel le bateau flottait.

Elles te plaisent au moins? C'est moi qui ai peint ce drapeau.

Tegarov se retourna, une phalange dépassant de ses lèvres repliées en un rictus. Face à lui se tenait un fier gaillard, sur l'épaule duquel se penchait une succube aux formes pantagruesques.

Ah ben je comprends mieux pourquoi monsieur sort pas avec ses sous fifres! Pas besoin de catin pour le serviteur du malin!

Ouais forcément c'est pas dans ta tombe que tu vas trouver ce genre de poupée hein mort ambulant?

Vaut mieux ça qu'être vivant et esclave non?

Ptet, mais ça me dit pas ce qu'un connard de ton genre vient fiche sur mon bateau, et encore moins pourquoi un cerveau délabré vient cuisiner ma piétaille.

Ben pose la question et ptet que je répondrai. Ou pas...

Ben je te le demande.

Ouais mais tu me demandes quoi?

Eh connard joue pas avec moi!!

Et voilà, ça recommence! Aucune tenue ces démonistes. Eh poupée tu préfèrerais pas venir avec moi, je suis sur que je pourrais t'apprendre un ou deux trucs que même ta mère rêvait pas de faire un jour!

Eheh, rêve pas, elle est bien dressée. Quand bien même elle tient le fouet, c'est moi qu'ait son âme.

Aaaaah mais c'est là que vous vous trompez tous bande de mal appris. Z'ont pas d'âme ces trucs là, et z'en ont pas besoin. Alors tu vas être gentil, tu vas me dire où t'as emmené la petite paladine, et fissa avant que tu finisses de m'énerver, et ptet que je te ferai pas trop souffir hein?

Ahhhahahhahahhha! ahah ahah....ah......ah....

Visiblement la tête qu'affichait tegarov au fur et à mesure que le temps passait rendait mal à l'aise le capitaine. Déglutissant celui-ci releva son tricorne et commença à réfléchir (ben ouais c'est la fonction d'un supérieur de réfléchir non? ...ah on me souffle que sur un bateau c'est la vigie le plus haut placé...bon ben tant pis on reprend l'histoire hein?).

Je sais pas de qui tu parles vieux.

La succube s'embrasa d'un coup, crâmant un passage le veston de l'homme, qui commençait à se demander s'il aurait pas préféré être un gnome ce jour là. Il bouta par dessus bord le corps de sa poupée vivante sans un remord, mais se demanda tout de même s'il n'auarait pas du sauter avec.

Eh mais ça va pas, je t'ai dit qu...

Cette fois ce fut le tricorne qui prit feu, et les rares cheveux que portaient encore le capitaine partirent au vent sous forme de cendres. Passablement mécontent, Tegarov n'en tira même pas une once de plaisir.

Je ne me répèterai plus. Où As Tu Emmené La Femme Qui A Embarqué à Bord LA SEmaine DERNIère AVEC SA PUTAIN DE FAUX?

L'homme se mit à bégayer, tandis que son pantalon s'humidifiait (un malin prétendra qu'il venait de renverser sa flasque de whisky moi je penche plutôt pour du rhum, mais bon...).

Je..jjjje jejjeje je.....jee sais paaas pas pas.

Ah bon.....TU ES SUR???

Le bras droit de l'homme s'arracha de son buste, décollé par un coup d'ongles du mort-vivant (un avantage de la non vie, ça pousse toujours les ongles, et on peut en faire de belles choses, dans le genre gorissime).

Noooon nonononononononon!! Ca me revient! J'ai embarqué du monde ya de cela pas dix jours. Des types et des salopes, pour le manoir Van Cleef.

Et où se trouve cet amalgame de pierre de bois et de tuiles?

Je..non, ça je, je peux pas!

Ah bon? comme tu veux, c'est pas mon corps qui trinque après tout.

Tegarov commença à avancer sa main vers l'entrejambe du capitaine, la main s'avançant il dégluttit bruyamment et son front perla de sueur à en mouiller le col de sa chemise. Lorsque les doigts morts se posèrent sur son pantalon il hurla.

STOOOOOOOP !!!
Je...je vais vous dire, je....il se trouve...

Le capitaine se pencha à l'oreille du mort-vivant et lui souffla les coordonnées du lieu. Il sourit alors, espérant sa survie...mais l'instant d'après sa virilité était remonté jusqu'à sa gorge et lui comblait sa bouche un peu trop vide.

Tegarov se frotta les mains sur la chemise de l'agonisant, déposant un peu plus de sang qu'il n'en portait déjà. Puis il redescendit du bateau et prit la direction de Theramore.

Bien bien, je crois qu'il va me falloir un cartier, et un bon.

Avant de sortir de la crique le mage leva le bras droit et claqua des doigts. Un incendie se déclencha aussitôt dans les câles du bateau. Il avait eu sa dose de spectacle, aux oiseaus maintenant de profiter du leur. Il n'était pas sans coeur après tout.

Baie du Butin. Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas mis les ongles de doigts de pied. Faut dire que les bestiaux qui gouvernaient ce lieu d’échanges appréciaient moyennement qu’on vienne y créer un flux chaleureux entropique. Pourtant il avait beaucoup aimé voir les différents bâtiments partir en fumée, les griffons voletant avec des lignes de fumée qui les suivaient, les verdeux sautillaient de partout en essayant d’éteindre les tisons qui s’accrochaient à leurs oreilles, les bateaux s’embrasaient dans le soleil couchant….ahhh quelle belle époque…révolue. Aujourd’hui il venait là car il avait besoin d’aide. Oui bon ben tout un chacun à un moment ou à un autre a besoin d’un échange d’information, un petit coup de pouce pour ouvrir une porte, une bouche…bref ce jour là il pouvait pas tout faire flamber, il allait devoir jouer le gentil petit mort vivant qui s’est bien remis de sa lobotomie, qui vit très bien sa dégénérescence tissulaire, et qui ne souhaite même pas manger du vivant. Et oui, un gentil mort vivant c’est végétarien, tout le monde le sait. Ou le croit. Ou pas.

Tegarov avançait donc doucement, les bras croisés dans le dos, le visage caché par la capuche de sa robe, noire à liserés rouges. L’un des gardes l’arrêta en le voyant passé le portique qui donnait sur la taverne. Il le regarda d’un œil soupçonneux des poils de pied aux vers de tête.

-Eh le rigolo, tu serais pas déjà venu ici toi par hasard ? demanda le cogneur d’une voix cassante.
-Mon bon ami, si j’étais déjà venu ici je saurais au moins où trouver un cartier non ? Tegarov riait intérieurement de l’œil hagard du bonhomme qui lui faisait face, et devait lever la tête pour le regarder dans les yeux. Bref j’ai besoin d’aller me désaltérer, puis je ?

Le colosse, ou la boîte d’épinards, comme vous voulez, le regarda encore une fois, cherchant quelque chose qui avait du être entre ses deux oreilles à un moment ou à un autre de sa vie, mais qui visiblement lui échappait momentanément.

-Ouais, c’est bon. Mais pas de grabuge je vous tiens à l’œil hein !

Tegarov le salua poliment de la tête et passa enfin sous l’arche qui l’amenait à l’antre des trous insondables. Il fit un signe de tête au barman en se posant sur une chaise dans un son d’osselets roulant sur la table. L’homme vint rapidement, un tablier bien sale sur le ventre bedonnant, histoire d’être certain qu’on sache que c’était lui qui servait et cuisinait ici. Tegarov lui donna quelques pièces et demanda un cruchon de rhum, tout en expliquant négligemment qu’il était venu pour retrouver un ami des cartes. Il repartit sifflant dans ses dents qu’il avait rien à foutre de tout ce qui passait pas par la bouche et ressortait par le cul. Un gentilhomme plein de manières, vraiment. Notre grouillant ami fit mine de boire le truc à la couleur peu engageante qui tournait dans son pot quand un homme fin et bien habillé se présenta à sa table.

-Une petite partie de cartes voyageur ? Pour vous détendre après votre marche ?
-Ma foi je préfère si c’est vous qui les tirez.
-Mais sans aucun souci. Souhaitez-vous aller dans un salon privé pour être plus au calme ?
-Pas une mauvaise idée que celle là tiens, je vous suis fiston !

Tegarov suivit le jeune homme qui l’emmena quelques maisons plus loin et le fit entrer dans une salle aux volets tirés. Elle était gaiement éclairée par des bougies et des lustres en plusieurs endroits. Elle sentait le papier et l’encre, ainsi que la cire. Nul doute sur le travail de cet homme et ses réalisations en cet endroit. Il était bien là où il le souhaitait, et allait avoir ce qu’il cherchait, un bon début. Il laissa ses mains fouiner un peu sur la table centrale, appréciant de l’œil le travail du cartier.

- Alors, que cherchez-vous ? Quelque chose de particulier ? De singulier ? D’incontournable ? De magique ?
Tegarov laissa sa capuche tomber et regarda droit dans les yeux le petit homme avec un sourire rempli de lichen.

-Je dirais…quelque chose de précis, rare…ET magique. Quelque chose comme….une carte montrant le chemin pour une île inconnue, n’existant pas et ne se trouvant pas, sauf peut être pour ceux qui croient être plus forts que les plus habiles. Et qui en prime pourrait faire oublier aux guetteurs que quelqu’un arrive sur ce lieu qui n’existe pas.

L’homme sembla perdre un peu de sa contenance et se raidit un peu. Il marcha dans la salle, se déplaçant vers son bureau en tâchant de le faire comme si de rien n’était. Mais le mage voyait bien qu’il avait vu juste et son hôte finirait par parler, et donner ce qu’il voulait….

-Je ne vois pas vraiment de quoi vous parler. Une carte de légende ? Tirée d’un conte ? Et puis des enchantements sur une carte…vraiment, qui peut bien faire ça hein ?
-Les légendes se créent sur une vérité, et les cartiers connaissent ces enchantements…du moins les bons. Et vous êtes l’un des meilleurs, du moins votre père l’était. Le génie familial se serait il perdu ?

L’homme commença à grincer des dents et à suer. Il se tourna d’un coup sec vers Tegarov et osa faire deux pas dans sa direction sous le coup de la colère, ou imbécilité peut être.

-Quoi ? Comment pouvez-vous savoir qui est mon père ? Et ce que je suis ?
-Peut être parce que j’ai déjà eu affaire à lui ? Peut être parce que j’en sais plus sur lui que toi. Tegarov planta son index dans la poitrine du garçon qui commençait à humidifier ses aisselles avec largesse. Alors maintenant tu es gentil, on arrête de jouer, et tu me fais ce que je demande ou tu finis comme ton paternel, voire pire, histoire d’améliorer la famille. Sauf que ce serait bête, parce que toi jeune puceau, t’as pas encore eu le temps d’avoir une descendance et de faire perdurer ton savoir…ce serait vraiment une malchance terrible pour beaucoup que cela disparaisse hein ? Et ton papounet chéri de là où il est serait pas bien fier du fiston qui aura coupé le fil de cette famille au savoir si bien ancré dans les temps ? Non tu ne crois pas ? L’index poussa un peu plus sur le sternum et l’homme s’affala dans son fauteuil, les yeux presque exorbités.

-Vous vous…
-Au boulot gamin avant que je perde patience. Je dois être parti d’ici demain soir, alors tu fermes ton claque-merde et tu artises avec passion et perfection. Fais gaffe, si je suis pas capable de le faire moi-même je connais quand même les dessins, essaie pas de perdre du temps à me rouler, t’y perdrai beaucoup.

Tegarov ficha une claque sur le crâne de l’homme et le propulsa devant son bureau, il claqua des doigts et une grande feuille blanche se téléporta sur le plan de travail. Il n’eut pas à se répéter, bien que le cartier dut déglutir une dizaine de fois au moins avant de pouvoir prendre sa plume sans trembler. Les heures passèrent, durant lesquelles Tegarov préféra allumer quelques feu follet plutôt que perdre son temps à remplacer les bougies consumées. Il mangea quelques pommes aussi, bien que la moitié au moins revenait au final à ses vers, grouillant avec affection envers leur maître si soucieux de leur condition. De temps en temps il s’amusait avec le feu au bout de ses doigts, mais faisait attention à ne pas trop en faire car son petit nègre avait tendance à sursauter lorsque le souffre s’enflammait. Et ce n’était pas pour faciliter son travail, que le mage souhaitait au moins parfait, sinon plus. La nuit suivant finit par arriver, et le blondinet se rejeta contre son dossier éreinté à l’approche de la mi nuit.

-Le…la carte est finie maître. Tout comme vous la souhaitiez. J’ai même rajouté quelques gravures pour protéger le bateau lui aussi.
-Bien…bien. Un travail remarquable petit, même ton père n’aurait pas réussi cette tâche en aussi peu de temps. Tu tiens de lui. Alors tu vas être sage et oublier que je suis venu hein ? Et oublier que tu as une langue dès qu’on causera de quelqu’un qui me ressemble hein ? Tu voudrais pas que je me laisse aller à quelques menus retouches sur ton corps n’est ce pas ?

Le cartier fit non de la tête, tant fatigué qu’il acceptait la situation telle qu’elle, sans en prendre peur. Il tombait de fatigue et la chute d’adrénaline n’aidait pas à le faire rester éveillé.

-Allez, et oublie pas que je pourrais toujours te retrouver si tu oublies la clause de notre contrat….ainsi que ta mère.

Tegarov partit en claquant la porte, laissant derrière lui une loque, la mâchoire déboitée, incrédule. Visiblement il devait penser que nul ne savait que sa mère existait encore. Il ne prit pas la peine de se demander qui était son « client », et souhaita juste ne jamais avoir à le revoir.
Tegarov arriva sur le quai et embarqua sur un bateau qu’il avait loué, avec son équipage. Le capitaine le fit se lancer sur la grande mer, et il alla se poser sur le ponton surélevé de la poupe pour regarder la ville s’éloigner.

-Non vraiment sans feu cette ville est d’une mortitude. Pfff…allez hop, juste pour le plaisir.
Il cligna d’un œil et l’instant d’après le clocher de la capitainerie était ceint d’une belle couronne de flammes. Oui vraiment, un peu d’orange et de rouge, pourquoi pas de jaune, cela relevait tout d’une incroyable saveur. Quelqu’un veut une brochette de gobelin ? Non ? Bon tant pis, on verra ça demain.