le passé ressurgit

Lorsque Neylina était venu dire à Grita qu'une vilaine dame l'avait accostée pour donner rendez-vous à la paladine, cette dernière ne s'était pas inquiétée. La petite avait encore dû inventer une histoire pour faire une virée en solitaire dans Darnassus ou ailleurs et pour ne pas se faire gronder au retour. Mais lorsque la jeune prêtresse était revenue à la charge le lendemain et avait révélé le contenu des propos de la dame qu'elle avait à nouveau croisée à Hurlevent, Grita avait eu des sueurs froides.
La paladine se tournait et se retournait désormais en tout sens au fond de son lit, incapable de trouver le sommeil. Oh, des cauchemars elle en avait bien eus quelques-uns après avoir affronté Ysondre et Taerar, elle avait revu ses pires craintes dans son sommeil et avait très mal dormi plusieurs nuits, et ce malgré les herbes que Kelana lui avait données pour dormir. Mais là c'était différent. Différent car ce n'était plus onirique, c'était une petite fille en chair et en os qui lui avait révélé des choses que Grita pensaient enfouies aux tréfonds des Maleterres pour toujours. Un objet lié à son ancienne amie Islandil... une épée possédée par un fragment d'âme de démon... quelque part l'objet était réapparu... et c'était une démoniste qui savait où cette épée se trouvait. Lorsque, il y a presque un an, Islandil avait disparu, rendue folle et sanguinaire par la lame possédée, Grita était beaucoup trop faible - elle-même sous les effets délétères d'une possession démoniaque - pour pouvoir empêcher la jeune paladine de tenter de fuir le plus loin possible de tout être vivant afin d'arrêter le massacre. Depuis, plus aucune nouvelle. Grita avait plusieurs fois prié pour qu'Islandil aie enfin trouvé le repos, fut-il éternel. Mais la réapparition de la lame, quelque part en Azeroth, et sans doute sans son dernier propriétaire, rendait la paladine malade. Presque autant que le fait de voir que la démoniste s'était attaquée à la plus faible représentante des Ailes d'Ysera pour transmettre son message, en traumatisant la pauvre Neylina. Assise sur le lit, le visage trempé de sueur, les cheveux en bataille, Grita décida de prendre le taureau par les cornes. Elle se leva, s'habilla et prit ses affaires. Puis elle descendit les escaliers en faisant le moins de bruit possible. Cette histoire ne regardait qu'elle, inutile que les autres se fassent du souci. La paladine passa dans la cuisine et se prépara quelques sandwiches. Enfin elle sortit et invoqua sa monture assez loin du sanctuaire pour ne réveiller personne. Le chemin jusqu'à Hurlevent allait être très long...

[hrp] histoire à suivre... [/hrp]

A son arrivée à Hurlevent, Grita était épuisée. Elle avait chevauché sans s'arrêter depuis Feralas jusqu'à Theramore et avait pris le navire pour rejoindre le port de Menethil. La mer était déchaînée et la paladine n'avait pas pu prendre de repos tant la pourtant robuste embarcation avait été malmenée par les vagues. Le vol jusqu'à Forgefer et le trajet en tram avait achevé les dernières forces de la jeune femme. Piquant du nez sur sa monture invoquée, Grita se dirigea lentement vers le quartier des mages.

Elle savait que l'auberge de l'agneau assassiné était un repaire de démonistes et contenait un cercle d'invocation en sous-sol, elle y avait déjà été trainée de force par Bérénice pour une invocation qui avait mal tourné. Les souvenirs liés à cette douloureuse expérience resurgissaient au fur et à mesure que le chemin dévoilait les ruelles tortueuses et emplies d'herbe du quartier des mages, nouant l'estomac de la jeune femme.

Arrivée devant l'agneau assassiné, la paladine scruta les environs pour voir si quelqu'un l'observait. Ne remarquant rien d'anormal, elle renvoya sa monture et pénétra dans l'auberge, la peur au ventre. Pour se donner du courage, Grita se commanda un verre de porto et s'assit à une table dans un coin de la salle de l'auberge.

Moins de dix minutes après son arrivée, une dame au port altier, aux cheveux noirs et vêtue d'une élégante robe noire vint se présenter à la paladine. Elle déclara sans ambages se nommer Osnât, être une démoniste et avoir des informations sur l'épée. Grita fut très surprise et encore plus inquiète de ce que la femme en noir savait sur son compte, ses problèmes de santé, sa possession... Troublée, elle se raidit et ne répondit que par périphrases aux premières questions de la démoniste. Cette dernière partit alors chercher deux verres de bourbon et en offrit un à la paladine. Elle lui expliqua que l'épée avait bel et bien été retrouvée et qu'elle connaissait une méthode pour la détruire. Mais qu'elle avait besoin d'une personne pour prendre l'épée et l'amener à l'endroit où pourrait se faire le rituel de destruction. Or, comme Grita avait déjà eu affaire à cette arme maléfique, il lui serait plus aisé de résister à la possession que quiconque. La démoniste insista sur le fait que, par cette action, la paladine sauverait des vies désormais menacées par la réapparition de l'épée et se débarrasserait par la même occasion une bonne fois pour toute de ses cauchemars.

Sirotant un second verre de bourbon, Grita écouta les propos de la démoniste avec intérêt. Son esprit s'embrumait de plus en plus à chaque verre d'alcool, et les sourires avenants de la femme en noir achevaient de convaincre la paladine de la nécessité d'aider celle qui était venue lui demander de l'aide. Les paupières lourdes, Grita finit par accepter le document griffonné des mains de la démoniste, dans lequel figurait un lieu où le prochain rendez-vous pourrait avoir lieu. Quand la femme en noir quitta l'auberge, la paladine dormait d'un sommeil agité, affalée sur la table.

Quelques jours de réflexion plus tard, Grita retourna à Hurlevent, dans le quartier des mages. Elle se rendit à l'adresse indiquée sur le morceau de parchemin en espérant y rencontrer la démoniste qui lui avait donnée rendez-vous. Etrangement, ce n'est pas Osnât qui ouvrit la porte à la paladine mais une jeune femme aux cheveux d'ébène vêtue d'une longue robe aux teintes violacées qui se présenta sous le nom d'Itha. Elle confirma à Grita qu'elle était bien au lieu qu'elle cherchait et lui révéla que non seulement elle était au courant de la réapparition de l'épée maléfique mais qu'en plus elle avait des informations supplémentaires à son sujet. Un peu estomaquée de savoir que son histoire s'était ébruitée, la paladine mit un long moment avant d'entrer mais finit par pénétrer dans la pièce et s'assit sur une chaise. Intriguée, le regard posé sur sa jeune interlocutrice, Grita questionna des yeux la jeune démoniste au sujet de l'épée. Itha prit son temps avant d'ouvrir la bouche et se délecta de l'intérêt qu'une personne visiblement aussi puissante que cette paladine pouvait lui porter. Avec un grand sourire, elle s'adressa à Grita d'une voix mielleuse.

- nous vous avons proposé de venir, vous êtes venue... c'est bien ! Il est temps pour vous d'entrer en action, n'est-ce pas ? Vous voulez savoir où est l'épée... nous le savons.

Faisant quelques pas d'un côté puis de l'autre, elle s'amusa du regard désespéré de Grita. La démoniste se surprit un instant à rêver de pouvoir contrôler les gens aussi facilement qu'elle le faisait des démons. Cela semblait possible, il suffisait d'avoir les moyens...

- et... où est-elle ? prononça difficilement Grita dans un souffle
- oh, ce n'est pas très loin... en définitive...

La démoniste lança à la paladine un immense sourire jouissif.

- mais... encore ?
- tout simplement à la forteresse d'Atreval dans les Maleter...

Elle n'eût pas le temps de finir que Grita s'était levée de sa chaise si brusquement qu'elle l'avait fait tomber au sol dans un grand bruit. La paladine se prit la tête dans les mains.

- NON ! Pas là-bas ! Je ne...

La voix suppliante de Grita n'avait pas échappée à Itha qui rayonnait intérieurement tout en ayant pris un air peiné plus adapté à la situation.

- bien entendu, ce sont des templiers écarlates qui la gardent sous haute surveillance... mais n'oubliez pas que vous faites cela pour empêcher un mal plus grand encore !

Relevant le menton de la paladine d'une main ferme, Itha regarda Grita au fond des yeux et y vit une lueur de terreur qui lui fit aussi plaisir que celui qu'elle avait vu lorsqu'elle avait embrasée vivante la gérante de l'auberge qu'elle avait détruite plusieurs années plus tôt.

- vous devez le faire, paladine...

Tremblante, Grita hocha de la tête sans desserrer les dents.

- nous vous contacterons lorsque nous serons prêts... nous vous accompagnerons... pour votre bien...

Itha lâcha le menton de la paladine et la regarda s'éloigner sans un mot. Poussant un soupir, la jeune démoniste caressa de la main le fragment d'âme de démon enfermé dans une orbe qu'elle gardait au fond de sa poche. Le temps viendra où toute cette puissance pourra enfin être libérée...

Bouleversée, la paladine l'était au-delà des mots... La démoniste avait réveillé en elle des souvenirs si douloureux qu'elle en avait eu des flashes, revoyant Isillien lui briser les os un à un, ressentant la douleur comme si elle était encore prisonnière de la forteresse d'Atreval. Le souffle court, Grita se surprit à courir vers la forêt d'Elwynn. Courir loin des bâtiments, retrouver la fraicheur de la voûte végétale, sentir la liberté à pleins poumons... Elle échoua finalement devant l'Abbaye de Comté-du-nord, pensant y retrouver le Frère Wilhelm en qui elle avait toute confiance, afin de lui demander conseil. Malheureusement il n'était pas là. Désemparée, Grita repartit vers le sud, jusqu'à Sombre-Comté, sa terre natale. Elle prit une chambre à l'auberge et décida d'y rester quelques jours afin de réfléchir à ce qu'il fallait faire.
D'un côté, suivre les démoniste et les aider à détruire l'épée était une chose qui paraissait tellement évidente à faire... mais de l'autre, il pouvait s'agir d'un piège, qui pouvait savoir quelles étaient les véritables intentions des démonistes ? Se pouvait-il qu'elles aient pour but de récupérer le fragment d'âme démoniaque présent dans l'épée afin d'en faire quelque chose de tout aussi maléfique que l'épée elle-même ?
Grita s'arrachait les cheveux, elle ne savait pas quoi faire. Elle finit par s'endormir mais sombra rapidement dans de monstrueux cauchemars où elle se revit enchaînée dans le cercle d'invocation mais cette fois-ci entourée de plusieurs démonistes et de leurs suivantes ailées... Se réveillant en hurlant de terreur, elle prit sa décision, ça ne pouvait plus durer, il fallait que ça cesse, quitte à prendre des risques inconsidérés.
Tremblante, Grita se recroquevilla sur son lit. Les semaines à venir allaient être très dures psychologiquement...

Le lendemain matin, Grita repartit pour Hurlevent, bien décidée à accepter la proposition des démonistes malgré ses appréhensions. Elle avisa la boîte aux lettres et lut son courrier. Elle aurait pu le parier : Osnât lui avait adressée une missive, enjoignant la paladine à la rejoindre à la pointe du Noroît dans les plus brefs délais. Pourquoi était-ce soudain si pressé ? Était-ce pour éviter que Grita ne change d'avis ? Il se passait vraiment quelque chose d'anormal mais la vision de la paladine était tellement brouillée par ses cauchemars et son manque de sommeil qu'il lui était difficile d'y voir clair dans le jeu des démonistes. Un trajet de tram et Grita fut à Forgefer, où elle se restaura avant le voyage. Autant prendre des forces avant d'affronter ceux qui avaient brisé la paladine et permis sa possession. Le vol jusqu'aux Maleterres fut court, les griffons dressés par les nains étant des animaux à la fois puissants et intelligents, si bien que Grita parvint en début d'après-midi au lieu de rendez-vous. Osnât l'y attendait, vêtue d'une robe aux hautes épaulières et aux motifs entrelacés qui trahissaient sans aucun doute possible une confection spécialement conçue pour les sorciers. Pas très rassurée, la paladine se contenta d'un bref salut auquel la démoniste répondit par un large sourire.

- Ne perdons pas de temps, insista Osnât

Grita ne comprenait toujours pas cette soudaine précipitation qui semblait agacer la démoniste. Néanmoins, elle invoqua son destrier et se précipita à la suite d'Osnât qui avait déjà enfourché sa monture démoniaque et avait piqué des deux en direction d'Andorhal. Les deux cavalières traversèrent la ville sans ralentir, fonçant au travers des armées de squelettes et de goules qui ne parvinrent pas à leur porter le moindre coup. Arrivées au début du défilé menant à Atreval, elles ralentirent le pas afin de ne pas attirer l'attention des soldats écarlates qui patrouillaient dans la zone. Aussi discrètes que deux ombres, elles arrivèrent aux pieds des murailles de la forteresse.

Osnât mit pied à terre et ordonna à Grita de prendre les devants, lui rappelant que c'était elle qui était déjà venue ici. La paladine déglutit difficilement en se remémorant le chemin qui menait jusqu'aux sous-sols où elle avait été interrogée, elle se mit à trembler de tous ses membres. Tentant de mettre de côté ses sentiments d'horreur à l'égard du lieu, Grita prit une profonde inspiration et fit un pas à l'intérieur de la forteresse. Elle foudroya le premier garde qui tentait de s'interposer d'un sortilège bien placé suivi d'un puissant coup de masse qui brisa la poitrine de la sentinelle dans un craquement d'os écœurant. Le soldat écarlate s'effondra mollement sous le regard mi-amusé mi-intéressé de la démoniste qui se contenta d'assister au meurtre sans y prendre part. D'un sourire avenant, Osnât invita Grita à poursuivre son chemin. Les dents serrées, la paladine s'engagea fermement dans le sentier qui menait au donjon, faisant fi des lames qui passaient parfois sa lourde armure et lui entamaient les chairs, assénant des coups de droite et de gauche et achevant les blessés d'un jugement sacré. Derrière elle, la démoniste faisait usage de ses pouvoirs obscurs pour engendrer l'agonie et siphonner l'âme de tous ceux qui avaient le malheur de croiser le chemin des deux femmes, facilitant ainsi là tâche de massacre de la paladine.

Une fois arrivées au Donjon de Mardenholde, ayant laissé plus d'une quinzaine de gardiens, chevaliers et paladins écarlates à terre, Grita et Osnât firent face aux défenseurs du Généralissime Taelan Fordring. Ces derniers refusèrent de les laisser passer. D'un regard, la démoniste enjoignit à la paladine d'éliminer tout obstacle qui les séparait du chef militaire du lieu. Ce qu'elle fit, sans émotion ni regret. Arrivée au sommet des marches, Grita rencontra enfin le vaillant chevalier dont elle n'avait jamais eu l'occasion de croiser le chemin. Laissant Osnât dans l'ombre, la paladine s'avança, son arme dégoulinant du sang écarlate des gardiens du donjon.

- Général, nous sommes ici pour prendre un objet. Une épée enchâssée d'un fragment d'âme de démon. Nous savons qu'elle est ici et vous demandons de nous la remettre ou à défaut de nous indiquer précisément où elle se trouve actuellement.

- Paladine, ceci ne vous regarde aucunement. Cette épée doit rester en possession de l'Ordre Ecarlate, elle est une arme contre le Fléau que nous ne saurions vous remettre, qui que vous prétendiez être.

- Il faut que nous la prenions, c'est... très important...

- Cette arme ne sortira de la forteresse que dans les mains d'un paladin de l'Ordre, pour éradiquer le Fléau. Et comme vous ne faites visiblement pas partie des nôtres, vous ne devriez même pas être au courant de son existence.

- Pourtant je le suis, et je sais aussi ce qu'il arrive de ceux qui sont trop faibles pour supporter le contact de cette épée...

- Vous en savez bien trop à mon goût... Gardes ! Emparez-vous d'elle !

Joignant le geste à la parole, il se saisit de son épée et s'avança vers la paladine. C'est à ce moment qu'Osnât sortit de l'ombre et lança un puissant trait de l'ombre qui arrêta Taelan dans son élan. La démoniste profita des quelques secondes de flottement pour réitérer la demande.

- Général, dit-elle d'une voix suave, nous avons besoin de cette épée maintenant... dites-nous où elle est et il ne sera plus fait aucun mal à vos serviteurs...

- Foutaises ! Capturez-les toutes les deux !

Grita para la première vague de coups de son bouclier, Osnât sur ses talons. Mais une traître frappe à la jambe la fit tomber à genoux. Osnât esquiva une lame tournoyante en baissant la tête et incinéra le garde sur place lorsqu'elle la releva, dans un geste de colère mal maîtrisée. Grita repoussa deux autres paladins d'un revers de sa masse mais se découvrit un instant ce qui permit à Taelan de porter un coup d'estoc qui atteignit la paladine à l'épaule. Malheureusement pour lui, il l'atteignit à l'endroit où Islandil l'avait frappée deux ans auparavant, au Monastère de Tirisfal. La souffrance mêlée des souvenirs qui émergèrent instantanément firent l'effet d'une bombe et Grita se jeta sur le Général avec une fureur qu'elle n'avait pas ressentie depuis qu'elle n'était plus possédée. La paladine consacra le sol sans un regard pour les soldats qui hurlèrent de douleur en sortant de la zone brûlante, pour se retrouver nez-à-nez avec la démoniste qui finissait juste d'incanter. Ils n'eurent pas le temps de frapper une seule fois avant de se retrouver à genoux, à l'agonie, aux pieds d'une démoniste goguenarde qui souriait de toutes ses dents, sentant leur vie s'échapper dans un flot luminescent qui donna à Osnât une vigueur nouvelle.

La bataille ne fit pas rage bien longtemps. Taelan ne lâcha pas prise et bien qu'il n'eût plus aucun garde à ses côtés et qu'il fut dos au mur, il refusa de céder aux deux femmes. La paladine, blessée, ne pouvait pas le battre et la démoniste n'avait pas la force de le tuer non plus. Ce qu'elles voulaient, c'était des informations et elles ne les auraient pas par lui. De plus, d'autres gardes allaient sans doute rappliquer, alertés par les cris et le fracas des armes. Le Général avait gagné, pour cette fois. D'un mouvement des yeux, la démoniste désigna à Grita la porte ouverte qui menait aux escaliers. Appliquant un bandage sur le bras dégouttant de sang de la paladine, elle jeta un dernier regard noir au Général appuyé à un siège et tenant encore fermement sa lourde épée dans la main. Puis les deux femmes s'engagèrent dans les escaliers. Arrivée sur le seuil du donjon, Grita interrogea Osnât du regard pour savoir ce qu'elle comptait faire désormais. La démoniste avait les mâchoires serrées, comme si cette rencontre avait été une défaite. Qu'avait donc cette épée de si important pour que sa récupération ne puisse souffrir d'aucun retard ? Jetant un œil vers les autres bâtiments d'Atreval, Osnât avisa soudain une haute tour différentes des simples tours de garde et la désigna à la paladine du doigt.

- là...

Grita poussa un soupir et serra un peu plus fort la poignée de sa masse. Il allait encore falloir se tailler une route sanglante pour y parvenir. Ceci déplaisait profondément à la paladine, elle n'avait pas la soif du sang, pas même de celui des écarlates, malgré tout ce qu'ils lui avaient fait subir...

Enfonçant les faibles lignes ennemies qui gardaient la tour, les deux femmes grimpèrent les escaliers sans rencontrer de résistance. Arrivées tout en haut, leur regard fut attiré par un coffre visiblement gardé par une femme vêtue comme une magicienne et un homme en armure portant deux dagues effilées à sa ceinture. Grita reconnut immédiatement les dagues, ces lames orangées qui lui avaient lacéré la chair, ces fines dentelures qui lui avaient arraché des hurlements pendant des heures... Les souvenirs les plus atroces de sa captivité lui revinrent en mémoire telles des vagues d'énergie pure, la paralysant sur place, le regard vide, les jambes en coton. Interloquée, Osnât vit Grita se figer, les yeux rivés sur la ceinture du soldat écarlate, les poings se fermant convulsivement sur la poignée de sa masse et de son bouclier, le souffle saccadé. Un léger sourire aux lèvres, la démoniste ne dit qu'un mot :

- va...

et la paladine se rua sur l'inquisiteur avec un rugissement de haine, le projetant au sol d'un puissant coup de bouclier avant de le rouer de coups avec sa masse en l'apostrophant avant chaque frappe. La magicienne n'avait même pas tenté de s'interposer. Surprise par la violence de l'attaque, elle se contenta de reculer avant de s'apercevoir que l'agresseur n'était pas seul. Hésitant entre risquer de toucher son compatriote avec un sortilège peu précis et s'en prendre seule à la démoniste, la mage écarlate subit de plein fouet la malédiction lancée par Osnât. Incapable de finaliser une incantation sans bredouiller, elle flamba comme une torche dans un dernier cri de douleur et s'effondra en flammes non loin du corps sans vie de l'inquisiteur.

Grita se releva avec peine de son dernier duel, choquée par sa propre réaction. Ses cauchemars l'avaient rendue si vulnérable qu'une simple vision l'avait changée en un monstre sanguinaire, la poussant au meurtre. La démoniste n'avait pas eu à faire grand chose... la paladine se mortifia de n'avoir pas su se contrôler, se demandant jusqu'où cela la mènerait. Détournant les yeux vers le coffre, elle tenta de se recentrer sur le but de leur venue : l'épée.

Le coffre n'était fermé que par un petit verrou dont la clé se trouvait à la ceinture de l'inquisiteur. Grita l'ouvrit doucement, à la fois impatiente de découvrir l'épée qui avait possédée Islandil, car cela lui permettrait enfin d'être certaine que la paladine reposait désormais en paix, et terrifiée par la puissance de la lame dont elle n'était pas certaine de pouvoir garder le contrôle sans succomber. A l'intérieur du coffre se trouvait un objet oblong entouré d'un tissu de velours rouge écarlate. Grita le sortit précautionneusement comme s'il s'agissait d'une fragile antiquité et déplia lentement les pans du tissu pour découvrir l'épée. Mais lorsqu'elle apparut, le regard de la paladine trahit son profond sentiment d'échec. En effet, l'épée n'était pas celle d'Islandil mais une étrange lame luminescente dont émanait une magie à l'obscurité presque palpable qui donnait des sueurs froides à la jeune femme. Ainsi l'épée était toujours dans la nature, et Islandil était peut-être encore en vie, incapable de s'affranchir de la domination de l'arme possédée. Grita ne se remémorait que trop bien le visage crispé de sa jeune amie lorsqu'elle avait tentée de la soigner en s'ouvrant elle-même le bras pour offrir sa force vitale à la lame maléfique. Elle avait pu lire la souffrance dans ses yeux, la détermination et le sens du sacrifice qui l'avait conduite à sa perte. Grita cogna violemment du poing sur le sol en murmurant le nom de son ancienne amie, effondrée de douleur. Osnât passa un bras autour des épaules de Grita, espérant ainsi lui redonner assez de courage pour qu'elle se saisisse de l'épée, et lui murmura en guise d'encouragement :

- prenez-la et finissez-en avec vos cauchemars

- ce n'est pas l'épée d'Islandil...

- mais vous le ressentez comme moi... cette épée est tout aussi maléfique et si l'Ordre Ecarlate en a conçu d'autres alors nous devons également les détruire, toutes...

- oui...

Grita ferma les yeux un instant et approcha sa main de la poignée de l'épée. Osnât retira délicatement son bras et recula d'un pas, redoutant un peu ce qui allait se passer. Mais elle n'avait pas l'intention de laisser tomber maintenant. L'aura que dégageait l'objet était d'une profonde noirceur , et si Taelan avait dit juste alors cette arme contiendrait un fragment d'âme de démon utilisable pour ce qu'elle comptait faire...

(HRP : à suivre en RP )